Paris: Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2011 (ISBN: 978-2-84050-756-7)
Nota del editor:
La pureté de sang, la stratification raciale de la société espagnole à l’Époque moderne, tel un thème lancinant, affleure comme le nécessaire substrat dont l’ignorance condamnerait à n’appréhender qu’imparfaitement l’idéologie de la Monarchie catholique.
Si l’on a pu croire que l’exaltation d’un sang « pur de toute macule de sang juif ou maure » (selon l’expression consacrée au XVIe siècle) avait comme but originel celui de mieux appréhender le peuple de Dieu en séparant les vieux-chrétiens des nouveaux-chrétiens, la revendication très vite se double d’un ostracisme racial virulent. Loin d’être cautionnée par les cercles religieux – qui dénoncent la division schismatique d’un peuple uni par le baptême –, la pureté de sang s’impose comme le prérequis nécessaire à toute promotion sociale. Dès lors, elle favorise le mythe d’une nouvelle hiérarchie sociale concurrente de la hiérarchie nobiliaire en entérinant l’idée que le roturier, vil par naissance, peut être dépositaire d’un honneur sans égal : celui que confère un sang épuré, seul générateur de dignité publique. Tandis que la névrose pour le sang alimente, dans les autres pays européens des débats féconds sur la « race noble », « la pureté du sang [royal] », elle s’incarne, en Espagne, dans des statuts de « pureté de sang » excluant des charges d’honneur – en théorie du moins – les chrétiens issus des nombreuses conversions de juifs et de maures.
Des conceptions politiques qui induisent le mythe d’une Espagne championne de la cause catholique à celles, biologiques, récusant les nourrices conversas par crainte de la contamination qui pourrait s’ensuivre, ce sont toutes les strates de la société espagnole qui se trouvent ébranlées par ce préjugé du sang. La pureté de sang fut autant une affaire de raison politique que de pouvoir au cœur de la cité, affectant les collèges, les corporations, les ordres et les consciences ; elle fut aussi une affaire de réputation et de scandale, l’affaire d’un mythe supportant la construction d’une « República de hombres encantados ».
Contenido:
I. Aux origines du sang. Naissance d’une polémique : Arlette JOUANNA, L’imaginaire du sang et de sa pureté dans l’ancienne France; Jean-Christophe ATTIAS, Du thème du lignage dans le judaïsme en général, et dans le judaïsme sépharade en particulier; Michèle ESCAMILLA, La polémique autour de la pratique du « statut de pureté de sang»; Araceli GUILLAUME, Sangre guzmana. De Alonso Pérez de Guzman El Bueno à Olivares. II. Du lignage et de l’impureté : Béatrice PEREZ, Une noblesse en débat au XVesiècle : sang, honneur, vertu; Juan Manuel CARRETERO ZAMORA, Los conversos y la hacienda de Castilla a comienzos del siglo XVI; Patricia BANÈRES, Inquisition et « pureté de sang » dans le royaume de Valence (1478-1516) : aux origines d’une nouvelle forme d’exclusion; José María CRUSELLES, Enrique CRUSELLES, José BORDES, La construction de la mácula. L’Inquisition de Valence et l’élaboration des généalogies judéoconverses (1505-1507). III. Des paradoxes de la limpieza : Fabrice QUÉRO, Le statut de pureté de sang de Tolède et l’identité des vieux-chrétiens; Ricardo SAEZ, De la pureté de sang à travers les probanzas enregistrées par le Consejo de la Gobernación de l’archevêché de Tolède (1560-1600); Marta FERNÁNDEZ VIDAL, El proceso de Hernan Gonzales Nieto con el senorio de Vizcaya (1575-1591); Séverine VALIENTE, La « pureté de sang » : instrument d’exclusion ou d’intégration des oligarchies locales ? (Cuenca sous le règne de Philippe II). IV. Débats et controverses autour de la mácula : Raphaël CARRASCO, « Limpieza » à Grenade au XVIe siècle; Annie MOLINIÉ, Les ordres religieux et la pureté de sang au XVIIe siècle; Juan HERNÁNDEZ FRANCO, La pureté de sang, une « doctrine bien peu digne d’être imitée » : les intellectuels espagnols du XVIIe siècle face à l’opinion majoritaire de la société vieille-chrétienne; V. Une obsession diffuse : Delphine HERMÈS, Du sang dans les Songes et Discours de Francisco de Quevedo y Villegas. Une noblesse sans nobles ? « Toda la sangre, hidalguillo, es colorada »; Marie-Catherine BARBAZZA, De « la pureté du sang » aux préjugés de sang dans le théâtre de Lope de Vega. Las Batuecas del Duque de Alba et El Brasil restituido; Francisco de Borja MEDINA, Limpieza de sangre y nobleza de los indios: el expediente de don Pablo Agapito Canchaspillau (1744).